La France exporte son art de vivre - 09/11/2010

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Face à la machine de guerre des Salons italiens du meuble et du design, Ubifrance, l'agence de promotion des entreprises à l'étranger et Safi -propriétaire de Maison & Objet -ont décidé d'unir leur forces pour mieux exporter le style tricolore. Après un premier test à Moscou dans le cadre de l'année France-Russie, cet exemple de « partenariat public privé » inédit, devrait être reconduit à New York l'an prochain.

Le principe : on réunit dans un cadre prestigieux -en l'occurrence le Manège de Moscou à deux pas du Kremlin -une sélection éclectique de PME de la décoration, artisans d'art (marbriers, bronziers, doreurs ...), décorateurs ensembliers mais aussi poids lourds de la literie et du meuble comme Cauval Industries ainsi que des antiquaires, tel Steinitz. Objectif : les mettre en rapport avec la clientèle russe, architectes, décorateurs travaillant pour l'hôtellerie et les particuliers fortunés qui trouvent rassemblée en un lieu unique une palette d'offres représentatives de cet Art de Vivre à la Française qu'il s'agit de promouvoir (la marque a d'ailleurs été déposée par Ubifrance en début d'année). Coût de l'opération : 1,5 million d'euros dont les trois quarts financés par les exposants.

Safi, propriétaire du Salon Maison & Objet, se charge de leur sélection (170 au total) et assure la scénographie -noire et chic -ainsi que le montage des stands. Pour le directeur général de Maison & Objet, Etienne Cochet, le but de cette délocalisation éphémère n'est pas de « dévitaliser » les sessions de janvier et de septembre de son propre Salon mais au contraire de faire venir davantage de visiteurs russes à Paris. « Nous attirons en moyenne un millier d'acheteurs à la cession de janvier, s'il en vient 1.500 à celle de 2011, cela prouvera que la manifestation moscovite a rempli sa mission », note-t-il, tout en se disant prêt à recommencer l'expérience avec Ubifrance.

Un regret exprimé par certains exposants, l'impression très « grand siècle » qui se dégage de l'ensemble et la faible présence du style contemporain dont les porte-drapeaux se comptaient sur les doigts d'une main (Elitis, Steiner...). « C'est vrai que c'est ce qu'ils attendent en priorité de nous, mais les Russes ont beaucoup évolué, ils voyagent et un peu plus de modernité aurait été bienvenue », estime Gilles Silberman, vice-PDG de Cauval Industries. Le groupe a une longue pratique du marché russe où il réalise 3,5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ses équipes sont mobilisées sur la grande affaire du moment : les JO de Sotchi en 2014 qui nécessiteront la construction de 14.000 chambres.

A ce bémol près et avec plus 4.500 visiteurs professionnels et particuliers recensés, l'opération est jugée réussie par Christophe Lecourtier, le directeur général d'Ubifrance. L'agence se charge ensuite du service après-vente : « suivi des contacts, rôle de "go between" et de conseil ou même de traduction des contrats », dit-il. Toute chose pas toujours à la portée des PME.
Relecture des styles

Particulièrement appréciée des exposants, la dimension collective de l'opération et le mélange des corps de métiers. «Le fait de rassembler antiquaires et artisans facilite la tâche de nos clients architectes et décorateurs qui trouvent tout en un seul lieu », observe Christine Duval Perche, directrice générale de Moissonnier. La PME de Bourg-en-Bresse réalise déjà 70 % de ses ventes à l'export grâce à sa « relecture » colorée et gaie des styles Louis XV ou Empire. C'est surtout des pièces sur mesure qu'elle vend en Russie, comme cette gigantesque table d'inspiration baroque de 4 mètres de long destinée à la datcha d'un hiérarque russe.

Si le « plateau » réuni au Manège, visait plus cette catégorie de clients ultraprivilégiés que les classes moyennes russes, celles-ci se remettent timidement à consommer après deux années très difficiles. « Le pire est passé », constate Leonid Essipovitch, le patron de Skol, une chaîne de magasins de décoration. L'enseigne qui distribue depuis sept ans tissus et papiers peints de la marque française Elitis, a ouvert cinq magasins à Moscou. Outre Saint-Pétersbourg, ses franchisés sont présents dans les grandes villes, Iekaterinbourg, Perm, Rostov... dont le développement rapide repose sur le boom de l'énergie et des matières premières. Les plus riches Moscovites fréquentent Tsum, mini grand magasin, style Bon Marché ou Harvey Nichols, au goût affiché pour les marques de niche (nettement plus branché que le bon vieux Goum, même relooké ) ou le Concept Store Podium. Les environs de la capitale russe voient aussi fleurir les « shopping resorts » : véritables enclaves privilégiées et sécurisées mariant immobilier résidentiel et « malls » commerciaux de grand luxe.

VALÉRIE LEBOUCQ, Les Echos